Conduite à tenir devant une hyperlymphocytose

La découverte d’une hyperlymphocytose sanguine est une situation commune. Si elle s’avère réactionnelle chez l’enfant et l’adolescent dans la très grande majorité des cas, elle peut nécessiter, chez l’adulte, des investigations afin de ne pas passer à côté d’une pathologie lymphoproliférative maligne sous-jacente nécessitant une prise en charge appropriée.
L’hyperlymphocytose constitue une anomalie fréquente de l’hémogramme, tant chez l’enfant que chez l’adulte, découverte le plus souvent de façon fortuite lors d’un bilan sanguin. Elle se définit par un nombre augmenté de lymphocytes en valeur absolue dans le sang, avec un seuil variable selon la tranche d’âge du patient : plus de 4G/l chez l’adulte et jusqu’à plus de 11G/l chez l’enfant selon l’âge. Elle est dite chronique quand elle persiste plus de trois mois. Sans conséquence dans de nombreuses situations bénignes (très fréquentes chez l’enfant : infections virales essentiellement), elle peut
cependant refléter la phase circulante d’une hémopathie maligne. C’est pourquoi, en l’absence d’étiologie évidente, les hyperlymphocytoses modérées de l’adulte posent souvent le problème du diagnostic différentiel entre état réactionnel et maladie lymphoproliférative maligne.
L’orientation diagnostique prend en compte l’âge du patient, les signes cliniques, les données de la numération sanguine, la présence éventuelle d’antériorités et s’appuie essentiellement sur l’examen attentif de la morphologie des lymphocytes sur frottis sanguin. Au vu de ces données, le biologiste va orienter le diagnostic et proposer les explorations complémentaires les plus pertinentes. Cette étape permet d’éliminer les hyperlymphocytoses réactionnelles, souvent transitoires, parfois caractérisées par la présence de lymphocytes hyperbasophiles.
L’étude cytologique des cellules lymphoïdes sur frottis sanguin s’avère souvent suffisante pour affirmer le caractère réactionnel (lymphocytes présentant parfois une morphologie caractéristique). Cependant, en cas de suspicion d’un syndrome lymphoprolifératif, l’immunomarquage par cytométrie en flux permet d’affiner le diagnostic grâce à l’existence de profils phénotypiques caractéristiques basés sur l’utilisation de marqueurs spécifiques. Quant aux techniques de cytogénétique conventionnelle (caryotype hématologique) et moléculaire (hybridation in situ en fluorescence, FISH), ainsi que les techniques de biologie moléculaire (clonalité B et T, hyperexpression de la cycline D1, mutation du gène TP53), elles permettent de préciser le diagnostic dans les cas atypiques et fournissent des éléments pronostiques indispensables pour la prise en charge thérapeutique de nombreuses hémopathies lymphoïdes.
La plupart du temps, les hyperlymphocytoses sont réactionnelles, infectieuses, transitoires et confirmées par un bilan sérologique. Les primo-infections par le virus d’Epstein-Barr (EBV) sont souvent responsables d’hyperlymphocytoses bénignes, confirmées par une sérologie EBV positive (IgM anti-VCA + et transaminases élevées). Les hyperlymphocytoses non étiquetées doivent être contrôlées trois mois après le premier bilan et faire l’objet d’un bilan complémentaire en cas de persistance (voir Aide à la prescription page suivante).
Toute hyperlymphocytose suspecte découverte en laboratoire doit être investiguée, dans un premier temps, par un typage lymphocytaire. Parmi les lymphocytoses suspectes, la pathologie lymphoproliférative maligne la plus courante est la leucémie lymphoïde chronique (LLC), avec 4000 nouveaux cas par an en France.
Son diagnostic ? Une hyperlymphocytose > 5G/L avec cytologie évocatrice sur le frottis sanguin (voir Cas clinique page suivante), à confirmer par un immunophénotypage lymphocytaire sur sang périphérique (score de Matutes).
CAS CLINIQUE
CONTEXTE
Patiente de 72 ans consultant pour asthénie et dyspnée.
NFS
Leucocytes | 32,4 G/L |
Lymphocytes | 26,6 G/L |
Hémoglobine | 10,6 G/L |
VGM | 91 fL |
Plaquettes | 201 G/L |
CYTOLOGIE
L’examen du frottis sanguin montre essentiellement des lymphocytes matures, de petite taille, au noyau régulier, à la chromatine dense, associés à de très nombreux noyaux nus (ombres de Gümprecht), ce qui est en faveur d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC).
Un score de Matutes 4/5 indique un aspect phénotypique en faveur d’une leucémie lymphoïde chronique. |
Dans quels cas doit-on traiter une LLC ?
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Quelles analyses peuvent être nécessaires dans ces cas ?
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DrSylvie Coito, biologiste au laboratoire Ketterthill, et DrYann Pepino, biologiste spécialisé en hématocytologie au Laboratoire Cerba.